Arc-en-ciel
« Une page symphonique de Vinteuil, connue déjà au piano et qu’on entendait à l’orchestre, comme un rayon de jour d’été que le prisme de la fenêtre décompose avant son entrée dans une salle à manger obscure, dévoilait comme un trésor insoupçonné et multicolore toutes les pierreries des Mille et une Nuits. Mais comment comparer à cet éblouissement de la lumière ce qui était vie, mouvement perpétuel et heureux ? »
« Le beau temps, cette nuit-là, fit un bond en avant comme un thermomètre monte à la chaleur. Quand je m’éveillai, de mon lit par ces matins tôt levés du printemps, j'entendais les tramways cheminer, à travers les parfums, dans l'air auquel la chaleur se mélangeait de plus en plus jusqu'à ce qu'il arrivât à la solidification et à la densité de midi. Plus frais au contraire dans ma chambre, quand l'air onctueux avait achevé d'y vernir et d'y isoler l'odeur du lavabo, l'odeur de l'armoire, l'odeur du canapé, rien qu'à la netteté avec laquelle, verticales et debout, elles se tenaient en tranches juxtaposées et distinctes, dans un clair-obscur nacré qui ajoutait un glacé plus doux au reflet des rideaux et des fauteuils de satin bleu, je me voyais, non par un simple caprice de mon imagination, mais parce que c'était effectivement possible, suivant dans quelque quartier neuf de la banlieue, pareil à celui où à Balbec habitait Bloch, les rues aveuglées de soleil, et y trouvant non les fades boucheries et la blanche pierre de taille, mais la salle à manger de campagne où je pourrais arriver tout à l'heure, et les odeurs que j'y trouverais en arrivant, l'odeur du compotier de cerises et d'abricots, du cidre, du fromage de gruyère, tenues en suspens dans la lumineuse congélation de l'ombre qu'elles veinent délicatement comme l'intérieur d'une agate, tandis que les porte-couteaux en verre prismatique y irisent des arcs-en-ciel ou piquent çà et là sur la toile cirée des ocellures de paon. »
Marcel Proust, La Prisonnière, folio classique p. 242 puis p. 395-39
« Quiconque
s’enfonce dans les profondeurs de son art, en quête de trésors invisibles,
travaille à élever cette pyramide spirituelle qui atteindra le ciel »
Vassily
Kandinsky, Du spirituel dans l’art et
dans la peinture en particulier, 1912, IV La Pyramide, trad. P. Volbout, Denoël/Gonthier, Médiations n°62, 1969,
p.78.
Impression V (Parc), 1911 Réalisée le 12 mars 1911 Huile sur toile, 106 x 157,5 cm Donation Nina Kandinsky 1976 AM 1976-851 |
Cette œuvre de Kandinsky est reproduite ici parce que présente (en N&B) dans l'ouvrage cité.
Krystian Zimerman (piano), Kaja Danczowska (violon)
https://www.youtube.com/watch?v=djlIRCdZGpA
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