mardi 27 janvier 2015

Entrez dans la danse . . .


    Doc. 1. "Mademoiselle Guimard. Collection Groult".
                                  
Mademoiselle Guimard,        danseuse
  
 Après avoir évoqué une certaine esquisse, Pierre de Nolhac * met en doute, dans l'ouvrage de 1910 cité ci-dessous, l'attribution à Fragonard d'un portrait définitif de la Guimard (doc. 1) qu'il attribuerait plus volontiers à David; puis il poursuit :


"En tout cas, ce n'est plus la Muse de la Danse, c'est la Guimard elle-même, avec sa laideur expressive, sa mine  de chatte onduleuse, son air hardi, sa délicate silhouette blonde. Doucement infléchie en avant, elle danse et, après son visage étrange, c'est le petit pied qui retient le regard; un pied mince,
long, expressif dans le soulier de satin, tout en lumière, détaché, presque seul; le pied exquis de la danseuse, qu'un Amour tapi dans les roses vise de son arc, comme il viserait une autre au cœur. Dans le paysage étroit, dont les fleurs l'entourent, elle est rose et bleue en ses atours de théâtre, où les paniers se chiffonnent savamment sur la jupe courte. Le long corselet rose semble contenir le buste d'une enfant; une main tient une fleur sur la poitrine; l’autre soulève le tablier de riche dentelle jeté sur la jupe. Le petit chapeau extravagant sur la lourde perruque d'or laisse dans la clarté le visage inquiétant avec son large front, ses yeux trop écartés, la bouche si mince, le nez à la ligne imprécise. Quel que soit le peintre,  Frago ou David imitant Frago, il lui a fallu une intelligence complète  de cette femme pour exprimer ainsi tous les secrets de sa séduction."  

Pierre de Nolhac *, de l'Académie française, Fragonard, 1782-1806, Librairie Floury, éd. de 1931,p.140                                       
* "poète, humaniste, historien" selon la plaque de rue versaillaise à son nom


                             Doc.2. "Louis-René Boquet, maquette de costume pour Mlle Guimard                           



            


         Franz Kafka  et la danseuse Eduardowa
       
   « La danseuse Eduardowa* n’est pas aussi jolie en plein air que sur scène. Ce teint blême, ces pommettes qui tendent la peau au point qu’il n’y a guère dans tout le visage de mouvement plus accusé, ce grand nez qui surgit comme d’un creux et avec lequel on ne peut pas plaisanter, par exemple vérifier s’il est dur au bout ou bien le saisir légèrement par le dos et le tirer de droite et à gauche en disant : « Et maintenant tu vas venir avec moi ». Avec cette silhouette large à la taille prise haut dans les jupes surchargées de plis — à qui cela peut-il plaire ? —, elle ressemble à l’une de mes tantes, une dame déjà âgée, beaucoup de vieilles tantes de beaucoup de gens ont cet air-là. Mais à part les pieds, qui sont fort bien, on ne trouve rien, chez la Eduardowa vue en plein air, qui compense réellement ces désavantages ; il n’y a vraiment rien qui puisse susciter l’admiration, l’étonnement ou même le respect. Et de fait, j’ai bien souvent vu la Eduardowa traitée avec une indifférence impossible à dissimuler, même pour des messieurs d’habitude très corrects et possédant l’usage du monde, bien qu’en présence d’une danseuse aussi connue que la Eduardowa ne laissait pas de l’être, ils fissent naturellement beaucoup d’efforts pour y parvenir.»
           * Evguénia Eduardowa (1882-1960): danseuse‚ membre des "Ballets russes en tournée au théâtre allemand de Prague" (ibid. p.2)
             Franz Kafka, Journal, année 1910, trad. de Marthe Robert, éd. Grasset, 1954, pp. 2 et 3.
 


La Maison dansante, Nové Mêsto, Prague. Architecte Franck O. Gehry, 1996.
Surnom : Ginger et Fred, en l’honneur du couple de danseurs américains
Ginger Rogers et Fred Astaire. 
                             
Voir ci-dessous Ginger Rogers et Fred Astaire
     dans un extrait du film musical Roberta de William A. Seiter; 
     chorégraphe : Fred Astaire


                                     



Légende :
 - Doc.1 : "Mademoiselle Guimard. Collection Groult" dont figure une reproduction en N&B dans l'ouvrage cité de Pierre de Nolhac.  
 - Doc.2 : "Louis-René Boquet, maquette de costume pour Mlle Guimard (caractère de la folie) dans Les Caractères de la folie, opéra-ballet de Bernard   de Bury,1765."  Reproduction parue dans la revue En scène n°16, mai-juillet 2013, p.42.  
 - pied de la statue dite Gloria Victis,1874, d'Antonin Mercié,1845-1916. Bronze. Petit Palais.Paris. Détail   

N.B. : Marie-Madeleine Guimard est mentionnée dans deux romans d'Honoré de Balzac : Le Bal de Sceaux (Scènes de la vie privée) et Un Prince de la bohème (Scènes de la vie parisienne).
     
Liens :
 - La Guimard : voir la reproduction couleur de cette œuvre sur le site en anglais :  http://en.wikipedia.org/wiki/Marie-Madeleine_Guimard
 - La Guimard, article en français : http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Madeleine_Guimard
 - portrait d'Evguénia Eduardowa v. 1925 par la photographe tchèque Frieda Riess (1890-1957) : http://www.artnet.com/artists/frieda-riess/the-russian-dancer-evgenija-eduardowa-T32kGfxPNKAsOlGU--Jvqw2

 - destinée du nom d'Eduardowa: voir art. du 18/10/2006 de Patrick Le Bœuf, conservateur à la Bibliothèque nationale de France, à propos de la pièce de Jean-Luc Lagarce, Nous les héros, "dont tous les noms proviennent de l'univers de Kafka." :  http://www.lagarce.net/oeuvre/info_texte/idtext/471/type/ensavoirplus/idcontent/92

Festival d'Avignon 2012

 -  La Maison dansante : http://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_dansante
 -  photo du couple Ginger et Fred extraite du film Roberta évocatrice de cette architecture :  http://en.wikipedia.org/wiki/File:Fredginger.jpg 
 -  dans le film La Rose pourpre du Caire (1985), Woody Allen nous montre  Cécilia (Mia Farrow) entrant dans un cinéma où elle va voir, admirative, le couple danser sur la chanson d'Irving Berlin interprétée par Fred Astaire, Cheek to cheek, dans le film Top Hat (1935) de Mark Sandrich (tout cela visible en ligne.)