Royauté
Arthur Rimbaud, Illuminations, Livre de Poche, Les Classiques de Poche, p.103Un beau matin, chez un peuple fort doux, un hommeet une femme superbes criaient sur la place publique :"Mes amis, je veux qu'elle soit reine!""Je veux être reine!" Elle riait et tremblait.Il parlait aux amis de révélation, d'épreuve terminée.Ils se pâmaient l'un contre l'autre.En effet ils furent rois toute une matinée oùles tentures carminées se relevèrent sur les maisons,et toute l'après-midi, où ils s'avancèrent du côté desjardins de palmes.
 
 
  
«  Mario et celui qui galopait  auprès de lui n'ignoraient pas les bruits vagues
et superstitieux que  racontaient, dans
les veillées, les pêcheurs de la côte, en chuchotant autour  de l'âtre, portes et fenêtres fermées;
pendant que le vent de la nuit, qui 
désire se réchauffer, fait entendre ses sifflements autour de la cabane
de  paille, et ébranle, par sa vigueur,
ses frêles murailles, entourées à la base 
de fragments de coquillages apportés par les replis mourants des
vagues. Nous  ne parlions pas. Que disent
deux cœurs qui s'aiment? Rien. Mais nos yeux 
exprimaient tout. Je l'avertis de serrer davantage son manteau  autour de lui, et lui me fait observer que mon
cheval s'éloigne trop du sien: chacun prend 
autant d'intérêt à la vie de l'autre qu'à sa propre vie; nous ne rions
pas. Il  s'efforce de me sourire; mais, j'aperçois
que son visage porte le poids des 
terribles impressions qu'y a gravées la réflexion, constamment penchée
sur les sphinx  qui déroutent, avec un
œil oblique, les grandes angoisses de l'intelligence des mortels. Voyant ses
manœuvres inutiles, il détourne les yeux, mord son  frein terrestre avec la bave de la rage, et
regarde l'horizon, qui s'enfuit à  notre
approche. À mon tour, je m'efforce de lui rappeler sa jeunesse dorée, qui ne
demande qu'à s'avancer dans les palais des plaisirs, comme une reine;
mais  il remarque que mes paroles
sortent difficilement de ma bouche amaigrie, et que  les années de mon propre printemps ont passé,
tristes et glaciales, comme un  rêve
implacable qui promène, sur les tables des banquets, et sur les lits de  satin, où sommeille la pâle prêtresse
d'amour, payée avec les miroitements de l'or, 
les voluptés amères du désenchantement, les  rides pestilentielles de la  vieillesse, les effarements de la solitude et
les flambeaux de la douleur.  Voyant mes manœuvres
inutiles, je ne m'étonne pas de ne pas pouvoir le rendre  heureux; le Tout-Puissant m'apparaît revêtu de
ses instruments de torture, dans  toute
l'auréole resplendissante de son horreur; je détourne les yeux et regarde  l'horizon qui s'enfuit à notre approche...
Nos chevaux galopaient le long du 
rivage, comme s'ils fuyaient l'œil humain. » 
Lautréamont, Les Chants de Maldoror, in Œuvres complètes d'Isidore Ducasse, Livre de Poche, p.177-178.
Lautréamont, Les Chants de Maldoror, in Œuvres complètes d'Isidore Ducasse, Livre de Poche, p.177-178.
Claude Debussy, La Mer
 1: De l'aube à midi sur la mer
2 : Le jeu des vagues
3 : Le dialogue du vent et de la mer 
London Symphony Orchestra, direction, Valery Gergiev 
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Liens:
 - Chant III (non sans erreurs):http://athena.unige.ch/athena/lautreamont/lautreamont_maldoror_3.html
 - Debussy, La Mer : http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Mer_%28Debussy%29  
 - Le London Symphony Orchestra ici dirigé par Valery Gergiev : https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=hlR9rDJMEiQ
Sur cette dernière photo captivante, le nuage serait-il l’œil humain, les rochers les chevaux qui galopent et la jetée lumineuse l'horizon qui fuit. L'oiseau en suspens demeure quant à lui "le rêve implacable" pris en plein vol à cette heure trouble où la couleur ouvre la porte aux métamorphoses.
RépondreSupprimerEt où tombe la nuit sous cette luminescence rose, sous cette aile oubliée d'un oiseau géant depuis longtemps parti, sur l'étendue de l'eau que le bras des roches posées là enserre, où vient ce jour ou cette nuit, que sommes-nous ?
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