mardi 4 octobre 2016

Valse mélancolique




La valise était encore béante. La personnalité militaire de Charles-Joseph                                                          y gisait, cadavre réglementairement plié. Il était temps de fermer la valise.
-   Buvons ! fit Chojnicki. Voilà que vous devenez mélancolique !
Ils burent. Puis Chojnicki se leva et ferma la valise du sous-lieutenant. 
   J. Roth *






Harmonie du soir

 

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, XLVII, GF, p.72,



  •  Francis Poulenc (1899 - 1963), Mélancolie (1940) **                                  Au piano, Pascal Rogé

     

     

    Soupir

    Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,
    Un automne jonché de taches de rousseur,
    Et vers le ciel errant de ton œil angélique
    Monte, comme dans un jardin mélancolique,
    Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’Azur !
    - Vers l’Azur attendri d’Octobre pâle et pur
    Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
    Et laisse, sur l’eau morte où la fauve agonie
    Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
    Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.

    Stéphane Mallarmé, Poésies, in O.C., Bibliothèque de la Pléiade (1945), p.39






Notes :
   * Joseph Roth, La marche de Radetzky, trad. B. Gidon revue par A. Huriot, coll. Points Seuil, p.370 

    ** A propos de la musique de piano de Francis Poulenc dont nous aurons peut-être été rendu curieux par cette mention ici, nous pouvons lire dans l'article consacré au compositeur par Guy Sacre (La Musique de piano, Dictionnaire des compositeurs et des œuvres, t. II, Robert Laffont, coll. Bouquins, art. Francis Poulenc, p.2112) :
   « On ne sera jamais aussi sévère envers la musique de piano de Poulenc qu’il ne l’a été lui-même dans ses entretiens avec Claude Rostand. " Je tolère, y confiait-il, les Mouvements perpétuels, ma vieille Suite en ut, les Trois Pièces ; j’aime beaucoup mes deux recueils d’Improvisations, un Intermezzo en la bémol et certains Nocturnes. Je condamne sans recours Napoli et Les Soirées de Nazelles. Pour le reste, je ne m’en soucie guère. " Or, il en reste deux fois autant […] »
NB: Toutes ces pièces peuvent être écoutées sur You Tube.

Photo du banc de pierre : banc présent dans le cimetière de Samoreau (77) où repose Stéphane Mallarmé.

Liens :
   ¤ à propos de La marche de Radetsky  de Joseph Roth : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Marche_de_Radetzky_(roman)
   ¤ sur la forme du poème de Baudelaire assimilée au pantoum, voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pantoum
   ¤ Pascal Rogé, pianiste : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Rog%C3%A9




2 commentaires:

  1. Magnifique photo où "le jet d'eau soupire vers l'Azur" et où l'Azur soupire son désir d'évasion. Merci pour cette mélancolie harmonique.

    RépondreSupprimer
  2. Cela donne envie de réécouter Léo Ferré dans son interprétation intense et lumineuse du poème de Baudelaire !
    https://www.youtube.com/watch?v=9aUY39nHDoo

    RépondreSupprimer