[…] Il y a et il y reste et il revient toujours par moments en pleine vie artistique la nostalgie de la vraie vie idéale et pas réalisable.
Et on manque parfois de désir de s’y rejeter
en plein dans l’art et de se refaire pour cela. On se sait cheval de fiacre, et
on sait que ce sera encore au même fiacre qu’on va s’atteler. Et alors on n’en
a pas envie, et on préférerait vivre dans une prairie avec un soleil, une
rivière, la compagnie d’autres chevaux également libres, et l’acte de la
génération.
Vincent Van Gogh, Lettres à son frère Théo, trad. L. Roëdlant. L’Imaginaire/Gallimard, p. 367
Vincent Van Gogh, Lettres à son frère Théo, trad. L. Roëdlant. L’Imaginaire/Gallimard, p. 367
Quand il m’arrivait d’apercevoir le reflet de mon personnage dans un lac ou une fontaine, je détournais la face avec horreur, et avec de la haine pour moi-même. Je supportais plus facilement la vue d’un Yahoo * ordinaire que la mienne propre. A force de vivre avec les Houyhnhnms **, et de les contempler avec ravissement, je me mis à imiter leur démarche et leurs gestes, ce qui est devenu maintenant une habitude chez moi. Mes amis me disent sans ménagement que je trotte comme un cheval, mais je prends la remarque comme un grand compliment. Je ne puis également que me reconnaître une certaine tendance, en parlant, à prendre la voix et l’accent des Houyhnhnms ; pourtant je ne suis blessé d’aucune manière si l’on me moque à ce sujet.
Jonathan
Swift, Voyages de Gulliver, in Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade p.289
When I happened to behold the reflection of
my own form in a lake or fountain, I turned away my face in horror and
detestation of myself, and could better endure the sight of a common Yahoo than
of my own person. By conversing with the Houyhnhnms, and looking upon them with
delight, I fell to imitate their gait and gesture, which is now grown into a
habit; and my friends often tell me, in a blunt way, “that I trot like a
horse;” which, however, I take for a great compliment. Neither shall I disown, that in speaking I am
apt to fall into the voice and manner of the Houyhnhnms, and hear myself
ridiculed on that account, without the least mortification.
Jonathan Swift, Gulliver’s Travels, Chap. X
- Let's ride Wild horses with The Rolling Stones
& & &
Notes :
* Yahoos : humains dégénérés d’une
grande saleté et aux coutumes répugnantes
** Houyhnhnm : race de chevaux dont Gulliver préfère la
compagnie à celle des Yahoos
Liens :
¤ Sur Vincent Van Gogh : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vincent_van_Gogh
¤ V. Van Gogh, Lettres à son frère
: https://fr.wikipedia.org/wiki/Lettres_de_Vincent_Van_Gogh
¤ Gulliver's travels in english : http://www.gutenberg.org/files/829/829-0.txt
¤ The Rollig Stones :https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Rolling_Stones
¤ Gulliver's travels in english : http://www.gutenberg.org/files/829/829-0.txt
¤ The Rollig Stones :https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Rolling_Stones
Longtemps j'ai adoré ces épreuves où l'on devait à quatre pattes, dans l'herbe, rivaliser de vitesse. c'était l'âge où toute épreuve est ressentie comme un gain, la possibilité sans doute de se mesurer étant alors synonyme de grandir et se renforcer. Or étudiant le pas - le pas des chiens et des chevaux - où j'étais emprunté, et constatant l'inanité du trot, par trop artificiel, je me mis à cultiver le galop Dès lors, je triomphai invariablement dans cette discipline, ma joie tout intérieure se couvrant sincèrement de dehors modestes. Combien d'années dura cette allure ? Peu, dans doute. Les années de cette démesure qui fait exulter l'enfance et que l'on nomme, sans trop savoir pourquoi, l'adolescence. Mais c'est folie de l'enfance que tout cela, folie et désespoir, raison et joie.
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