LA VITRINE D’UN BUREAU DE TABACIls étaient là, près de la vitrine très éclairéed’un bureau de tabac, parmi beaucoup d’autres.Leurs regards se croisèrent par hasard,et le désir inavouable de leur chairs’y exprima gauchement, avec gêne.Puis quelques pas hésitants sur le trottoir –jusqu’à ce qu’ils échangent un sourire, un léger signe.Alors ce fut la voiture bien fermée …le rapprochement passionné des corps ;l’union des mains, l’union des lèvres.Constantin Cavafis, Poèmes (1916-1918) in « En attendant les barbares et autres poèmes », trad. D. Grandmont, Poésie/Gallimard, p.125
Léon fuyait, car il lui semblait que son amour, qui, depuis deux heuresbientôt, s’était immobilisé dans l’église, comme les pierres, allait maintenants’évaporer telle qu’une fumée, par cette espèce de tuyau tronqué, decage oblongue, de cheminée à jour, qui se hasarde si grotesquement surla cathédrale, comme la tentative extravagante de quelque chaudronnierfantaisiste.– Où allons-nous donc ? disait-elle.Sans répondre, il continuait à marcher d’un pas rapide, et déjà madameBovary trempait son doigt dans l’eau bénite, quand ils entendirentderrière eux un grand souffle haletant, entrecoupé régulièrement par lerebondissement d’une canne. Léon se détourna.– Monsieur !– Quoi ?Et il reconnut le suisse, portant sous son bras et maintenant en équilibrecontre son ventre une vingtaine environ de forts volumes brochés. C’étaientles ouvrages qui traitaient de la cathédrale.– Imbécile ! grommela Léon s’élançant hors de l’église.Un gamin polissonnait sur le parvis :– Va me chercher un fiacre !L’enfant partit comme une balle, par la rue des Quatre-Vents ; alors ilsrestèrent seuls quelques minutes, face à face et un peu embarrassés.– Ah ! Léon !… Vraiment…, je ne sais… si je dois… !Elle minaudait. Puis, d’un air sérieux :– C’est très inconvenant, savez-vous ?– En quoi ? répliqua le clerc. Cela se fait à Paris !Et cette parole, comme un irrésistible argument, la détermina.Cependant le fiacre n’arrivait pas. Léon avait peur qu’elle ne rentrât dansl’église. Enfin le fiacre parut.– Sortez du moins par le portail du nord ! leur cria le suisse, qui étaitresté sur le seuil, pour voir la Résurrection, le Jugement dernier, le Paradis,le Roi David, et les Réprouvés dans les flammes d’enfer.– Où Monsieur va-t-il ? demanda le cocher.– Où vous voudrez ! dit Léon poussant Emma dans la voiture.Et la lourde machine se mit en route. »Gustave Flaubert, Madame Bovary, in “Œuvres complètes”, coll. L’Intégrale, Éditions du Seuil, p.656-657
« ... le duc de Guermantes [...] parlait du même ton cérémonieusement méprisant des "chansons de mademoiselle Yvette Guilbert" et des "expériences de monsieur Charcot".» M. Proust *
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Η προθήκη του καπνοπωλείουΚοντά σε μια κατάφωτη προθήκηκαπνοπωλείου εστέκονταν, ανάμεσα σ’ άλλους πολλούς.Τυχαίως τα βλέμματά των συναντήθηκαν,και την παράνομην επιθυμία της σαρκός τωνεξέφρασαν δειλά, διστακτικά.Έπειτα, ολίγα βήματα στο πεζοδρόμιο ανήσυχα —ως που εμειδίασαν, κ’ ένευσαν ελαφρώς.Και τότε πια το αμάξι το κλεισμένο ....το αισθητικό πλησίασμα των σωμάτων·τα ενωμένα χέρια, τα ενωμένα χείλη.
Κ.Π. Καβάφης
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* Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, II chap. III, Folio classique p.473
Liens :
¤ Francis Cabrel : https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Cabrel
¤ Yvette Guilbert : https://fr.wikipedia.org/wiki/Yvette_Guilbert
¤ version grecque du poème de C. Cavafis :http://dornac.eklablog.com/constantin-cavafis-la-vitrine-du-bureau-de-tabac-a83429660
Belle balade, littérature, fantaisie et musique. J'aime bien le mélange des genres
RépondreSupprimerSensation suprêmement agréable, celle d'avoir eu une grand'mère chantant volontiers Le Fiacre, de Xanrof, et une mère feignant l'indignation : "Oh : les enfants !" Sensation d'avoir été véritablement et doublement enfant, en quelque sorte.
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