jeudi 3 mai 2018

La terre nous aimait en cette nuit de jade




Como la marejada verde de marzo en el campo
Entre los años de sequía te abres paso
Nuestras miradas se cruzan se entrelazan
Tejen un transparente vestido de fuego
Una yedra dorada que te cubre
Alta y desnuda sonríes como la catedral el día  del incendio
Con el mismo gesto de la lluvia en el trópico lo has arrasado todo
Los días harapientos caen a nuestros pies
No hay nada sino dos seres desnudos y abrazados
Un surtidor en el centro de la pieza
Manantiales que duermen con los ojos abiertos
Jardines de agua flores de agua piedras preciosas de agua
Verdes monarquías

La noche de jade gira lentamente sobre sí misma

Octavio Paz, Libertad bajo palabra, Obra poetica (1935-1957), 1960, Letras mexicanas, Fondo de cultura económica, p.137


Telle la houle verte de mars dans la campagne
Tu te frayes un chemin parmi les années de sécheresse
Nos regards se croisent s’entrelacent
Tissent un vêtement de feu transparent
Un lierre doré qui te couvre
Grande et nue tu souris comme la cathédrale au jour de l’incendie
Avec le même geste que celui de la pluie dans les tropiques tu as tout arasé
Les jours en loques tombent à nos pieds
Il n’y a plus rien que nos deux êtres nus et embrassés
Un jet d’eau au centre de la pièce
Des sources qui dorment les yeux ouverts
Des jardins d’eau des fleurs d’eau des pierres précieuses d’eau
De vertes monarchies

La nuit de jade tourne lentement sur elle-même

(traduction personnelle)




                     EVADNE

L'été et notre vie étions d'un seul tenant
La campagne mangeait la couleur de ta jupe odorante
Avidité et contrainte s'étaient réconciliées
Le château de Maubec s'enfonçait dans l'argile
Bientôt s'effondrerait le roulis de sa lyre
La violence des plantes nous faisait vaciller
Un corbeau rameur sombre déviant de l'escadre
Sur le muet silex de midi écartelé
Accompagnait notre entente aux mouvements tendres
La faucille partout devait se reposer
Notre rareté commençait un règne
(Le vent insomnieux qui nous ride la paupière
En tournant chaque nuit la page consentie
Veut que chaque part de toi que je retienne
Soit étendue à un pays d'âge affamé et de larmier géant)

C'était au début d'adorables années
La terre nous aimait un peu je me souviens.

René Char, Fureur et Mystères, Poésie Gallimard, p.61


Liens :
   ¤ Octavio Paz sur Wikipédia :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Octavio_Paz





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