lundi 9 avril 2018

Madame Soleil vs Pierre Bourdieu







   « Voici, disait-il, ce que je tiens de mon père. Alors que ma mère était enceinte de moi, une servante de son ami se trouva grosse en même temps. La chose ne put échapper au maitre vu le soin minutieux qu’il prenait de connaitre jusqu’aux portées de ses chiennes. Or, il advint  que, comme ils calculaient  avec l’attention la plus vigilante par jours et heures et par moindres fractions d’heure, l’un pour sa femme, l’autre pour sa servante, elles accouchèrent toutes deux à la fois ; ainsi se virent-ils obligés d’établir dans le même détail les ciels de nativité, l’un du fils, l’autre de l’esclave. En effet, le travail commencé, tous les deux se firent part chacun de ce qui se passait chez lui : par leurs soins des messagers se tenaient tout prêts pour annoncer de l’un chez l’autre la naissance de l’enfant dans l’instant même qu’elle aurait lieu : la nouvelle en serait portée sur-le-champ, toutes mesures prises qui ne comptent guère quand on est maitre et seigneur. Or, les messagers expédiés de part et d’autre se rencontrèrent, disait-il, si exactement à mi-chemin des deux maisons que ni l’un ni l’autre ne put relever un thème astral différent ni, à une minute près, aucun écart. » Cependant Firminius, dont les parents occupaient une haute situation, faisait son chemin dans le monde, un chemin assez reluisant, accroissait son bien, s’élevait aux premières charges, tandis que, suivant sa condition, sans qu’on lui eût tant soit peu desserré le joug, l’esclave continuait, au témoignage de l’autre qui le connaissait personnellement, à servir des maitres.

Saint Augustin, Confessions, trad. de L. de Montadon, L. de P. p. 173-174


... et, mis en exergue de La reproduction, éléments pour une théorie du système d'enseignement (1970, éd. de Minuit) par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, le poème de Robert Desnos suivant :


Le pélican

Le capitaine Jonathan,
Étant âgé de dix-huit ans,
Capture un jour un pélican
Dans une île d’Extrême-Orient.

Le pélican de Jonathan,
Au matin, pond un œuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.

Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un œuf tout blanc
D’où sort, inévitablement,
Un autre qui en fait autant.

Cela peut durer pendant très longtemps
Si l’on ne fait pas d’omelette avant.

Robert Desnos, Chantefables, in Œuvres, Quarto Gallimard, p.1338




Liens :
   ¤ A propos de La reproduction  : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Reproduction
   ¤ Lire sur Pierre Bourdieu : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bourdieu

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