Un soir,
après une journée d’une accablante chaleur, on se promenait lentement dans les
jolis bosquets de châtaigniers qui couronnent les hauteurs d’Andilly.
Quelquefois de jour, ces bois sont gâtés par la présence des curieux. Dans
cette nuit charmante qu’éclairait la lumière tranquille d’une belle lune d’été,
ces collines solitaires offraient des aspects enchanteurs. Une brise douce se
jouait parmi les arbres, et complétait les charmes de cette soirée délicieuse.
Par je ne sais quel caprice, Mme d’Aumale voulait, ce jour-là, avoir
toujours Octave auprès d’elle ; elle lui rappelait avec complaisance et
sans nul ménagement pour les hommes qui l’entouraient, que c’était dans ces
bois qu’elle l’avait vu pour la première fois :
– Vous
étiez déguisé en magicien, et jamais première entrevue ne fut plus prophétique,
ajoutait-elle, car jamais vous ne m’avez ennuyée, et il n’est pas d’homme de
qui je puisse en dire autant.
Stendhal, Armance (1827), chap.XVI, in "Romans et Nouvelles", Bibliothèque
de la Pléiade, t.1, p.109
Le ciel était
déjà plein de soleil. Il commençait à peser sur la terre et la chaleur
augmentait rapidement. Je ne sais pas pourquoi nous avons attendu assez
longtemps avant de nous mettre en marche. J'avais chaud sous mes vêtements
sombres. Le petit vieux, qui s'était recouvert, a de nouveau ôté son chapeau.
Je m'étais un peu tourné de son côté, et je le regardais lorsque le directeur
m'a parlé de lui. Il m'a dit que souvent ma mère et M. Pérez allaient se
promener le soir jusqu'au village, accompagnés d'une infirmière. Je regardais
la campagne autour de moi. À travers les lignes de cyprès qui menaient aux
collines près du ciel, cette terre rousse et verte, ces maisons rares et bien
dessinées, je comprenais maman. Le soir, dans ce pays, devait être comme une
trêve mélancolique. Aujourd'hui, le soleil débordant qui faisait tressaillir le
paysage le rendait inhumain et déprimant.
Albert Camus, L’étranger
(1942), "Théâtre, Récits, Nouvelles". Bibliothèque de la Pléiade p.1133
Café Al Bicerin, qu'aurait fréquenté Nietzsche (et Pavese?) à Turin. |
A quei
tempi era sempre festa. Bastava uscire di casa e attraversare la strada, per
diventare come matte, e tutto era bello, specialmente di notte, che tornando
stanche morte speravano ancora che succedesse qualcosa, che scoppiasse un
incendio, che in casa nascesse un bambino, o magari venisse giorno
all'improvviso e tutta la gente uscisse in strada e si potesse continuare a
camminare fino ai prati e fin dietro le colline.
Cesare Pavese, La
bella estate (1949), Einaudi, I vol., 1962, pag. 187, incipit.
À cette époque-là, c'était toujours fête. Il suffisait de
sortir et de traverser la rue pour devenir comme folles, et tout était si beau,
spécialement la nuit, que, lorsqu'on rentrait, mortes de fatigue, on espérait
encore que quelque chose allait se passer, qu’un incendie allait éclater, qu’un
enfant allait naître dans la maison ou même, que le jour allait venir soudain
et que tout le monde sortirait dans la rue et que l’on pourrait marcher, marcher jusqu’aux
champs et jusque de l’autre côté des collines.
César Pavese, Le bel
été, chap. 1 , trad. M. Arnaud (1955), Livre de poche p.7
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Liens :
¤ à propos de Stendhal : http://www.espacefrancais.com/stendhal/
¤ à lire en ligne la version électronique d'Armance : https://beq.ebooksgratuits.com/vents/Stendhal-Armance.pdf
¤ Albert Camus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Camus
¤ à propos de L'étranger : https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%89tranger
¤ Cesare Pavese sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cesare_Pavese
¤ La bella estate, Wikipedia : https://it.wikipedia.org/wiki/La_bella_estate
Photos :
¤ à propos de la boisson dite "bicerin" : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bicerin
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