Mais ce qu’il y avait de plus remarquable dans ce
logis, c’était le chant des portes. Dès le matin ce chant retentissait dans
toute la maison. Je ne saurais dire pourquoi elles chantaient ainsi : les
gonds en étaient-ils rouillés ? l’ouvrier qui les avait faites y avait-il
caché quelque mécanisme secret ? Toujours est-il que chaque porte avait
son chant particulier : la porte de la chambre à coucher possédait une
voix de ténor aigu, celle de la salle à manger une voix rauque de basse, celle
de l’antichambre rendait un son étrange, fêlé, plaintif, si bien qu’en prêtant
l’oreille, on finissait par discerner clairement : « Pauvre de moi,
je suis gelé ». Beaucoup de personnes, je le sais, détestent le bruit des
portes ; quant à moi j’en raffole. Qu’il m’advienne de l’entendre, je me
sens aussitôt à la campagne : je revois la petite chambre basse qu’éclaire
une chandelle fichée dans un antique chandelier, le souper servi, la sombre
nuit de mai qui vous regarde par la fenêtre ouverte sur le jardin ; j’entends
les roulades du rossignol qui planent sur le parc, sur la maison, jusque sur la
rivière lointaine ; je perçois le murmure angoissant des branches… Ô mon
Dieu, quelle longue file de souvenirs m’assaillent !
Nicolas Gogol, Un
ménage d’autrefois, in Les Nouvelles
ukrainiennes, Nouvelles complètes, Quarto Gallimard p.327
-
"Raffolerez-vous" de ces Variations pour une porte et un soupir (ballet, 1963) de Pierre Henry? Modérément ?
Но самое
замечательное в доме -- были поющие двери. Как только наставало утро, пение
дверей раздавалось по всему дому. Я не могу сказать, отчего они пели:
перержавевшие ли петли были тому виною или сам механик, делавший их, скрыл в
них какой-нибудь секрет, -- но замечательно то, что каждая дверь имела свой
особенный голос: дверь, ведущая в спальню, пела самым тоненьким дискантом;
дверь в столовую хрипела басом; но та, которая была в сенях, издавала какой-то
странный дребезжащий и вместе стонущий звук, так что, вслушиваясь в него, очень
ясно наконец слышалось: "батюшки, я зябну!" Я знаю, что многим очень
не нравится этот звук; но я его очень люблю, и если мне случится иногда здесь
услышать скрып дверей, тогда мне вдруг так и запахнет деревнею, низенькой
комнаткой, озаренной свечкой в старинном подсвечнике, ужином, уже стоящим на
столе, майскою темною ночью, глядящею из сада, сквозь растворенное окно, на
стол, уставленный приборами, соловьем, обдающим сад, дом и дальнюю реку своими
раскатами, страхом и шорохом ветвей... и боже, какая длинная навевается мне
тогда вереница воспоминаний!
Николай Васильевич Гоголь, Старосветские помещики (1835)
& & &
Liens :
¤ sur Pierre Henry : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Henry
¤ à propos des Variations pour une porte et un soupir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Variations_pour_une_porte_et_un_soupir
¤ texte de la nouvelle de Gogol en russe : http://az.lib.ru/g/gogolx_n_w/text_0030.shtml
C'est le cas d'en appeler au poète de ce nom, DESPORTES (1546-1606), prénom Philippe, qui ne fut pas comme on prétend ministre des sports sous Franco, mais poète sous Henri III. Lisons-le déclamer “Contre une nuit trop claire”, non sans distiller à mesure quelques éclaircissements :
RépondreSupprimer(La nuit) : “Ô Nuit ! jalouse Nuit, contre moi conjurée, / Qui renflammes le ciel de nouvelle clarté, / T'ai-je donc aujourd'hui tant de fois désirée / Pour être si contraire à ma félicité ?” - (Sa montre) “Pauvre moi ! je pensais qu'à ta brune rencontre / Les cieux d'un noir bandeau dussent être voilés / Mais, comme un jour d'été, claire tu fais ta montre, / Semant parmi le ciel mille feux étoilés.” - (La lune flambe !) “Et toi, soeur d'Apollon, vagabonde courrière, / Qui pour me découvrir flambes si clairement,/ Allumes-tu la nuit d'aussi grande lumière,/ Quand sans bruit tu descends pour baiser ton amant ?” - (Elle a le front luisant…) “Hélas! s'il t'en souvient, amoureuse déesse, / Et si quelque douceur se cueille en le baisant, / Maintenant que je sors pour baiser ma maîtresse, / Que l'argent de ton front ne soit pas si luisant.” - (Autres détails anatomiques) “Ah ! la fable a menti, les amoureuses flammes / N'échauffèrent jamais ta froide humidité; / Mais Pan, qui te connut du naturel des femmes,/ T'offrant une toison, vainquit ta chasteté.” [...]
Bon, brisons-là, avant que les moqueurs ne se moquent, sans voir de ces morceaux la réelle beauté. Desportes, comme d’autres poètes baroques, mériteraient d'être mieux lus... qu’on le fait ici !
On aura redressé, da la dernière phrase, l'accord défectueux....
RépondreSupprimerOn aura redressé, da la dernière phrase, l'accord défectueux....
RépondreSupprimer