C’était
assez que je ressemblasse avec exagération à mon père jusqu’à ne pas me contenter de consulter comme lui le baromètre, mais à devenir moi-même un baromètre vivant.
Marcel Proust, La Prisonnière, Folio classique p.70
Je serai difficile à ébranler et cependant, je suis inquiet. Cet après-midi, comme j’étais couché et que quelqu’un tournait rapidement une clé dans la serrure, j’ai eu l’espace d’un instant des serrures sur tout le corps, comme à un bal costumé ; une serrure, tantôt ici, tantôt là, était ouverte ou fermée à de brefs intervalles.
Franz Kafka, Journal, 30 août 1912. Trad. M. Robert, Grasset p.255
Ich werde schwer aufzuschütteln sein und bin doch unruhig. Als ich heute nachmittag im Bett lag und jemand einen Schlüssel im Schloß rasch umdrehte, hat ich einen Augenblick lang Schlösser auf dem ganzen Körper wie auf einem Kostümball und in kurzen Zwischenräumen wurde einmal hier einmal dort ein Schloß geöffnet oder zugesperrt.
Franz Kafka, Prag, Tagebuch 30. August 1912; Freitag
O meu tédio assume aspectos de horror; o meu aborrecimento é u medo. O meu suor não é frio, mas é fria a minha consciência do meu suor. Não há mal-estar físico, salvo que o mal-estar da alma é tão grande que passa pelos poros do corpo e o inunda a ele também.
É tão magno o tédio, tão soberano o horror de estar vivo, que não concebo que coisa haja que pudesse servir de lenitivo, de antídoto, de bálsamo ou esquecimento para ele. Dormir horroriza-me como tudo. Morrer horroriza-me como tudo. Ir e parar são a mesma coisa impossível. Esperar e descrer equivalem-se em frio e cinza. Sou uma prateleira de frascos vazios.
Fernando Pessoa, Livro de desassossego, § 184
Mon ennui prend des allures d’horreur ; ma lassitude est de la peur. Ce
n’est pas ma sueur qui est froide, mais bien la conscience que j’en ai. Ce
n’est pas un malaise physique, mais un malaise de l’âme, si grand qu’il pénètre
les pores du corps tout entier et l’inonde à son tour.
Ce dégoût est si grand, et si puissante l’horreur d’être vivant, que je ne puis
rien concevoir qui serve de lénititf, d’antidote, de baume ou bien d’oubli.
Dormir me fait horreur au plus haut point. Mourir me fait horreur au plus haut
point. Avancer, m’arrêter sont une même et impossible chose. L’espérance et
l’incrédulité se valent toutes deux, faites de froid et de cendre. Je suis une
étagère de flacons vides.
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité, 22 août 1931, §
184.Christian Bourgois éditeur, p.203
Certains jours je me demande comment on fait
pour me reconnaître dans la rue. Je me promène dans le corps d’une sauterelle,
je marche à peine. Et voilà qu’on me dit bonjour, pire, qu’on m’arrête, qu’on
me serre la main, comme si j’en avais encore une, qu’on me questionne au sujet
de la femme, des enfants, du travail. J’ai beau me sauver, saluer vite, c’est
foutu pour la journée. La sauterelle se sera trouvée mieux.
Georges Perros, Papiers collés 2,
L’Imaginaire/Gallimard, p.105
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Photographies
:
¤ 1ière photo : Baromètre, La Rochelle, place des Petits-Bancs (ph. pers.)
¤ 1ière photo : Baromètre, La Rochelle, place des Petits-Bancs (ph. pers.)
¤ 2ième photo : inclut l'affiche de l'exposition L'Ange du
bizarre. Le romantisme noir de Goya à Max Ernst. Musée d'Orsay, mars-juin
2013.
¤ 3ième photo : "Sidewalk Catwalk",
fashion parade, 32 mannequins Manikin de Ralph PUCCI, exposition éphémère, New
York, 2010. Styliste, Victor Alfaro.
Liens :
¤ F. Kafka, Tagebuch, 1912 : https://homepage.univie.ac.at/werner.haas/1912/tb12-061.htm
¤ exposition du Musée d'Orsay : http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=649&L=0&tx_ttnews%5Btt_news%5D=35087&no_cache=1
¤ F. Pessoa en portugais : http://casafernandopessoa.cm-lisboa.pt/index.php?id=5348
Et Poe, Edgar : "Mes rêves furent terriblement troublés par les apparitions de l’Ange du Bizarre. Il me sembla qu’il se tenait au pied de ma couche, qu’il tirait les rideaux, et qu’avec le son caverneux, abominable, d’un tonneau de rhum, il me menaçait de la plus amère vengeance pour le mépris que j’avais fait de lui. Il finit sa longue harangue en ôtant son chapeau-entonnoir, et, me fourrant le tuyau dans le gosier, il m’inonda d’un océan de kirschenwasser qu’il répandait à flots continus d’une de ces bouteilles à long col qui lui servaient de bras. À la longue, mon agonie devint intolérable, et je m’éveillai juste à temps pour m’apercevoir qu’un rat se sauvait avec la bougie allumée enlevée de sa tablette, mais pas assez tôt malheureusement pour l’empêcher de regagner son trou avec sa dangereuse proie. Bientôt je sentis mes narines assaillies par une odeur forte et suffocante ; la maison, je m’en apercevais bien, était en feu"
RépondreSupprimerL'étrange est joliment assumé, et Kafka et Pessoa se répondent. 2ème photo étonnante... Encore de jolies surprises
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