" Avant de me coucher je m'examinai dans la
glace.
Mon visage était ravagé, flasque et sans âme. Si
flasque que
je ne me reconnaissais pas."
Sadegh Hedayat *
- Stéphane Mallarmé, Hérodiade (extrait)
La NourricePardon ! l'âge effaçait, reine, votre défense
De mon esprit pâli comme un vieux livre ou noir...HérodiadeAssez ! Tiens devant moi ce miroir.
Ô miroir !
Eau froide par l'ennui dans ton cadre gelée
Que de fois et pendant des heures, désolée
Des songes et cherchant mes souvenirs qui sont
Comme des feuilles sous ta glace au trou profond,
Je m'apparus en toi comme une ombre lointaine,
Mais, horreur ! des soirs, dans ta sévère fontaine,
J'ai de mon rêve épars connu la nudité !
Nourrice, suis-je belle ?S. Mallarmé, Hérodiade, in O.C., Bibl. De la Pléiade, 1ière éd. 1945, p.41
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19 août. - Je le tuerai. Je l’ai vu ! Je
me suis assis hier soir, à ma table ; et je fis semblant d’écrire avec une
grande attention. Je savais bien qu’il viendrait rôder autour de moi, tout
près, si près que je pourrais peut-être le toucher, le saisir ? Et alors !
alors j’aurais la force des désespérés ; j’aurais mes mains, mes genoux, ma poitrine, mon
front, mes dents pour l’étrangler, l’écraser, le mordre, le déchirer.
Et je le
guettais avec tous mes organes surexcités.
J’avais allumé
mes deux lampes et les huit bougies de ma cheminée, comme si j’eusse pu, dans
cette clarté, le découvrir.
En face de moi, mon lit, un vieux lit de chêne à colonnes ; à droite, ma cheminée ; à gauche, ma porte fermée avec soin, après l’avoir laissée longtemps ouverte, afin de l’attirer ; derrière moi, une très haute armoire à glace, qui me servait chaque jour pour me raser, pour m’habiller, et où j’avais coutume de me regarder, de la tête aux pieds, chaque fois que je passais devant.
Donc, je faisais semblant d’écrire, pour le tromper, car il m’épiait lui aussi ; et soudain, je sentis, je fus certain qu’il lisait par-dessus mon épaule, qu’il était là, frôlant mon oreille.
Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis tomber. Eh ! bien ? … on y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace ! … Elle était vide, claire, profonde, pleine de lumière ! Mon image n’était pas dedans… et j’étais en face, moi ! Je voyais le grand verre limpide du haut en bas. Et je regardais cela avec des yeux affolés; et je n’osais plus avancer, je n’osais plus faire un mouvement, sentant bien pourtant qu’il était là, mais qu’il m’échapperait encore, lui dont le corps imperceptible avait dévoré mon reflet.
Comme j’eus peur ! Puis voilà que tout à coup je commençai à m’apercevoir dans une brume, au fond du miroir, dans une brume comme à travers une nappe d’eau ; et il me semblait que cette eau glissait de gauche à droite, lentement, rendant plus précise mon image, de seconde en seconde. C’était comme la fin d’une éclipse. Ce qui me cachait ne paraissait point posséder de contours nettement arrêtés, mais une sorte de transparence opaque, s’éclaircissant peu à peu.
Je pus enfin me distinguer complètement, ainsi que je le fais chaque jour en me regardant.
Je l’avais vu! L’épouvante m’en est restée, qui me fait encore frissonner.
En face de moi, mon lit, un vieux lit de chêne à colonnes ; à droite, ma cheminée ; à gauche, ma porte fermée avec soin, après l’avoir laissée longtemps ouverte, afin de l’attirer ; derrière moi, une très haute armoire à glace, qui me servait chaque jour pour me raser, pour m’habiller, et où j’avais coutume de me regarder, de la tête aux pieds, chaque fois que je passais devant.
Donc, je faisais semblant d’écrire, pour le tromper, car il m’épiait lui aussi ; et soudain, je sentis, je fus certain qu’il lisait par-dessus mon épaule, qu’il était là, frôlant mon oreille.
Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis tomber. Eh ! bien ? … on y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace ! … Elle était vide, claire, profonde, pleine de lumière ! Mon image n’était pas dedans… et j’étais en face, moi ! Je voyais le grand verre limpide du haut en bas. Et je regardais cela avec des yeux affolés; et je n’osais plus avancer, je n’osais plus faire un mouvement, sentant bien pourtant qu’il était là, mais qu’il m’échapperait encore, lui dont le corps imperceptible avait dévoré mon reflet.
Comme j’eus peur ! Puis voilà que tout à coup je commençai à m’apercevoir dans une brume, au fond du miroir, dans une brume comme à travers une nappe d’eau ; et il me semblait que cette eau glissait de gauche à droite, lentement, rendant plus précise mon image, de seconde en seconde. C’était comme la fin d’une éclipse. Ce qui me cachait ne paraissait point posséder de contours nettement arrêtés, mais une sorte de transparence opaque, s’éclaircissant peu à peu.
Je pus enfin me distinguer complètement, ainsi que je le fais chaque jour en me regardant.
Je l’avais vu! L’épouvante m’en est restée, qui me fait encore frissonner.
Guy de Maupassant,
Le Horla (1887), Livre de Poche
n°340, p. 42-43
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The Velvet Underground & Nico : I'll be your mirror
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Notes :
* Sadegh Hedayat, La Chouette aveugle, trad. Roger Lescot, José Corti, p.124
Liens :
1. A propos de "miroir" :
¤ Miroir, genre littéraire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Miroir_%28genre_litt%C3%A9raire%29
¤ Les Miroirs des Princes :https://fr.wikipedia.org/wiki/Miroirs_des_princes
Plus précis dans ses sources mais circonscrit à la Perse, spécialité de son auteur, l'article de Ch.-H. de Fauchécour in Dictionnaire universel des litttératures,publié sous la direction de Béatrice Didier (1994), t.II G-O, p.2371 sq. Son incipit indique précisément les limites de son exposé : " Les écrits de morale et de politique forment un chapitre important de la littérature persane classique. Leur caractère littéraire vient de la conviction des auteurs que l’écriture d'art est éminemment apte à persuader. Les destinataires de ces écrits sont les gouvernants."
¤ lire Hérodiade en ligne : http://www.mediterranees.net/mythes/salome/divers/mallarme.html
¤ Qui permettra (peut-être) de s'y retrouver à propos du personnage historique d'Hérodiade : https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9rodiade
¤ Guy de Maupassant : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_de_Maupassant
¤ lire Le Horla en ligne : http://maupassant.free.fr/pdf/horla.pdf
¤ Le Horla dans Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Horla
2. A propos de musique :
¤ The Velvet Undergound & Nico : https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Velvet_Underground_and_Nico
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