" Intanto, dopo dodici enormi tocchi, le campane del
mezzogiorno avevano messo nei colli, di là dai tègoli e dal fumare dei camini,
il pieno frastuono della gloria ".
C. E. Gadda *
C. E. Gadda *
Nous nous asseyions entre les iris au bord de l'eau. Dans le ciel férié, flânait longuement un nuage oisif. Par moments, oppressée par l'ennui, une carpe se dressait hors de l'eau dans une aspiration anxieuse. C'était l'heure du goûter. Avant de repartir nous restions longtemps à manger des fruits, du pain et du chocolat, sur l'herbe où parvenaient jusqu'à nous, horizontaux, affaiblis, mais denses et métalliques encore, des sons de la cloche de Saint-Hilaire qui ne s'étaient pas mélangés à l'air qu'ils traversaient depuis si longtemps, et côtelés par la palpitation successive de toutes leurs lignes sonores, vibraient en rasant les fleurs, à nos pieds.
Ah! dit l’horloge de Saint-Margaret, comme une hôtesse qui entre dans son salon à l’heure juste et trouve ses invités déjà là. Je ne suis
pas en retard. Non, il est onze heures et demie tapantes, dit-elle. Pourtant,
bien qu’elle ait parfaitement raison, sa voix, étant une voix d’hôtesse, hésite
à s’imposer. Quelque chagrin, lié au passé la retient ; quelque souci lié
au présent. Il est onze heures et demie, dit-elle, et le son de Saint-Margaret glisse jusque
dans les tréfonds du cœur et s’enfouit dans les anneaux successifs des sons,
calme quelque chose de vivant qui veut se confier, se disperser, trouver,
avec un frémissement de plaisir, le repos – comme Clarissa elle-même, pense
Peter Walsh, Clarissa descendant les escaliers, en blanc, à l’heure sonnante.
C’est Clarissa elle-même, se dit-il, avec une grande émotion, et en la revoyant
avec une netteté extraordinaire et troublante, comme si cette cloche était
entrée dans la pièce des années plus tôt ; tandis qu’ils étaient assis
ensemble en un moment de grande intimité, et qu’elle fût allée de l’un à l’autre,
puis qu’elle fût repartie, comme une abeille qui a fait son miel, chargée de
cet instant. Mais quelle pièce ? Quel moment? Et pourquoi avait-il été si profondément
heureux pendant que la cloche sonnait? Puis, tandis que le son de Saint-Margaret
se faisait languissant, il se dit, elle a été malade, et le son exprimait
langueur et souffrance. C’était son cœur, se rappela-t-il ; et la brusque sonorité bruyante du dernier
coup sonnait un glas qui venait surprendre, en pleine vie, Clarissa tombant, là
où elle se trouvait, dans son salon. Non !
Non ! s’écria-t-il. Elle n’est pas morte ! Je ne suis pas vieux, s’écria-t-il
en remontant Whitehall, comme si se déroulait là, venant jusqu’à lui plein de
vigueur, sans fin, son avenir.
Virginia Woolf, Mrs Dalloway, trad. M.-C.
Pasquier, Gallimard, Folio classique p.124-125
Ah, said St Margaret's, like a
hostess who comes into her drawing-room on the very stroke of the hour and
finds her guests there already. I am not late. No, it is precisely half-past
eleven, she says. Yet, though she is perfectly right, her voice, being the
voice of the hostess, is reluctant to inflict its individuality. Some grief for
the past holds it back; some concern for the present. It is half-past eleven,
she says, and the sound of St. Margaret’s glides into the recesses of the heart
and buries itself in ring after ring of sound, like something alive which wants
to confide itself, to disperse itself, to be, with a tremor of delight, at rest
— like Clarissa herself, thought Peter Walsh, coming down the stairs on the
stroke of the hour in white. It is Clarissa herself, he thought, with a deep
emotion, and an extraordinarily clear, yet puzzling, recollection of her, as if
this bell had come into the room years ago, where they sat at some moment of
great intimacy, and had gone from one to the other and had left, like a bee
with honey, laden with the moment. But what room? What moment? And why had he
been so profoundly happy when the clock was striking? Then, as the sound of St.
Margaret’s languished, he thought, she has been ill, and the sound expressed
languor and suffering. It was her heart, he rememberd; and the sudden loudness
of the final stroke tolled for death that surprised in the midst of life.
Clarissa falling where she stood, in her drawing-room. No! No! he cried. She is
not dead! I am not old, he cried, and marched up Whitehall, as if there rolled
down to him, vigorous, unending, his future.
Notes :
* " Cependant,
après douze tintements énormes, les cloches de midi avaient posé sur les
collines, passées les tuiles et la fumée des toits, la gloire majeure de leur
fracas."
Carlo Emilio Gadda, La connaissance de la douleur,
trad. L. Bonalumi et F. Wahl, Ed. du seuil , Points, p.79
Liens :
¤ A propos de Mrs Dalloway : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mrs_Dalloway
Cause, Victor !
RépondreSupprimer"Il arriva que, dans cette gracieuse année 1482, l'Annonciation tomba un mardi 25 mars. Ce jour-là, l'air était si pur et si léger que Quasimodo se sentit revenir quelque amour de ses cloches. Il monta donc dans la tour septentrionale, tandis qu'en bas le bedeau ouvrait toutes larges les portes de l'église, lesquelles étaient alors d'énormes panneaux de fort bois couverts de cuir, bordés de clous de fer doré et encadrés de sculptures " fort artificiellement élabourées ".
Parvenu dans la haute cage de la sonnerie, Quasimodo considéra quelque temps avec un triste hochement de tête les six campanilles, comme s'il gémissait de quelque chose d'étranger qui s'était interposé dans son coeur entre elles et lui. Mais quand il les eut mises en branle, quand il sentit cette grappe de cloches remuer sous sa main, quand il vit, car il ne l'entendait pas, l'octave palpitante monter et descendre sur cette échelle sonore comme un oiseau qui saute de branche en branche, quand le diable musique, ce démon qui secoue un trousseau étincelant de strettes, de trilles et d'arpèges, se fut emparé du pauvre sourd, alors il redevint heureux, il oublia tout, et son coeur qui se dilatait fit épanouir son visage.
Il allait et venait, il frappait des mains, il courait d'une corde à l'autre, il animait les six chanteurs de la voix et du geste, comme un chef d'orchestre qui éperonne des virtuoses intelligents.
- Va, disait-il, va, Gabrielle. Verse tout ton bruit dans la place. C'est aujourd'hui fête. - Thibauld, pas de paresse. Tu te ralentis. Va, va donc ! est-ce que tu t'es rouillé, fainéant ? - C'est bien ! Vite ! vite ! qu'on ne voie pas le battant. Rends-les tous sourds comme moi. C'est cela, Thibauld, bravement ! - Guillaume ! Guillaume ! tu es le plus gros, et Pasquier est le plus petit, et Pasquier va le mieux. Gageons que ceux qui entendent l'entendent mieux que toi. - Bien ! bien ! ma Gabrielle, fort ! plus fort ! - Hé ! que faites-vous donc là-haut tous deux, les Moineaux ? je ne vous vois pas faire le plus petit bruit. - Qu'est-ce que c'est que ces becs de cuivre-là qui ont l'air de bâiller quand il faut chanter ? Çà, qu'on travaille ! C'est l'Annonciation. Il y a un beau soleil. Il faut un beau carillon. - Pauvre Guillaume ! te voilà tout essoufflé, mon gros !
Il était tout occupé d'aiguillonner ses cloches, qui sautaient toutes les six à qui mieux mieux et secouaient leurs croupes luisantes comme un bruyant attelage de mules espagnoles piqué çà et là par les apostrophes du sagal.
Tout à coup, en laissant tomber son regard entre les larges écailles ardoisées qui recouvrent à une certaine hauteur le mur à pic du clocher, il vit dans la place une jeune fille bizarrement accoutrée, qui s'arrêtait, qui développait à terre un tapis où une petite chèvre venait se poser, et un groupe de spectateurs qui s'arrondissait à l'entour. Cette vue changea subitement le cours de ses idées, et figea son enthousiasme musical comme un souffle d'air fige une résine en fusion. Il s'arrêta, tourna le dos au carillon, et s'accroupit derrière l'auvent d'ardoise, en fixant sur la danseuse ce regard rêveur, tendre et doux, qui avait déjà une fois étonné l'archidiacre. Cependant les cloches oubliées s'éteignirent brusquement toutes à la fois, au grand désappointement des amateurs de sonnerie, lesquels écoutaient de bonne foi le carillon de dessus le Pont-au-Change, et s'en allèrent stupéfaits comme un chien à qui l'on a montré un os et à qui l'on donne une pierre."
"Tique tique tique,
RépondreSupprimerTique tique donc
Sonne sonne sonne, joyeux carillon"...
LES CLOCHES DE CORNE VILLE, OPÉRA-COMIQUE EN TROIS ACTES ET QUATRE TABLEAUX Paroles de MM. CLAIRVILLE et Ch. GABET, MUSIQUE DE ROBERT PLANQUETTE, Représenté pour la première fois à Paris, sur le théâtre des Folies-Dramatiques, le 16 avril 1877 :
https://www.youtube.com/watch?v=KGpuwhS8HJk
Les Trois Cloches
RépondreSupprimerVillage au fond de la vallée, comme égaré, presqu'ignoré.
Voici qu'en la nuit étoilée Un nouveau-né nous est donné.
Jean-Franois Nicot il se nomme. Il est joufflu, tendre et rosé.
A l'glise, beau petit homme, demain tu seras baptisé.
Une cloche sonne, sonne. Sa voix, d'echo en echo,
dit au monde qui s'tonne: "C'est pour Jean-Franois Nicot.
C'est pour accueillir une âme, une fleur qui s'ouvre au jour,
peine, peine une flamme encore faible qui reclame
protection, tendresse, amour."
Village au fond de la vallée, loin des chemins, loin des humains.
Voici qu'aprs dix-neuf annes, cur en moi, le Jean-Franois
prend pour femme la douce Elise, blanche comme fleur de pommier.
Devant Dieu, dans la vieille église, ce jour, ils se sont mariés.
Toutes les cloches sonnent, sonnent, Leurs voix, d'echo en echo,
merveilleusement couronnent la noce Franois Nicot.
"Un seul cœur, une seule âme", dit le pretre, "et, pour toujours,
soyez une pure flamme qui s'eleve et qui proclame
la grandeur de votre amour."
Village au fond de la vallée. Des jours, des nuits, le temps a fui.
Voici qu'en la nuit etoilé, un cœur s'endort, Franois est mort,
car toute chair est comme l'herbe, elle est comme la fleur des champs.
Epuis, fruits mrs, bouquets et gerbes, hlas! vont en se deschessants...
Une cloche sonne, sonne, elle chante dans le vent.
Obsdante et monotone, elle redit aux vivants:
"Ne tremblez pas, cœurs fideles, Dieu vous fera signe un jour.
Vous trouverez sous son aile avec la vie eternelle
l'eternité de l'amour."
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https://www.youtube.com/watch?v=VGvq9zbPGkk
Profondeur de la photo au "nuage oisif" qui tinte au diapason des textes poétiques qui l'accompagnent.
RépondreSupprimerD'autres cieux viennent en écho comme celui qui nimbait le texte de Lautréamont (avril 2015).
Mélodie du regard qui s'insinue dans le cadran des jours.