Michelle Grangaud [1]
" 3 mars* Edmond Teste fait remarquer à son ami Ettore Schmitz que le monde n’a vraiment pas besoin
« Au
bout de la charmille, près de la dame en plâtre, s’élevait une manière de
cahute faite en rondins. Pécuchet y enfermait ses instruments, et il passait là
des heures délicieuses à éplucher les graines, à écrire des étiquettes, à
mettre en ordre ses petits pots. Pour se reposer, il s’asseyait devant la
porte, sur une caisse, et alors projetait des embellissements.
Il avait créé au bas du perron deux
corbeilles de géraniums ; entre les cyprès et les quenouilles, il planta
des tournesols ; et comme les plates-bandes étaient couvertes de boutons
d’or, et toutes les allées de sable neuf, le jardin éblouissait par une
abondance de couleurs jaunes.
Mais la couche fourmilla de larves ;
malgré les réchauds de feuilles mortes, sous les châssis peints et sous les
cloches barbouillées, il ne poussa que des végétations rachitiques. Les
boutures ne reprirent pas, les greffes se décollèrent, la sève des marcottes
s’arrêta, les arbres avaient le blanc dans leurs racines ; les semis
furent une désolation. Le vent s’amusait à jeter bas les rames des haricots.
L’abondance de la gadoue nuisit aux fraisiers, le défaut de pinçage aux
tomates. »
Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, in
O.C., Éditions du Seuil, 1964, p. 211.
« Bon. Reprenons. J’arrive sur le perron. Je regarde à gauche et à droite. Je descends les marches, je vais du côté de la cave en regardant dans la plate-bande. Comme il n’y a rien c’est vite fait. Au tout début on avait essayé de mettre des choses, on avait semé des balsamines, des pieds-d’alouette, des œillets du poète, des fleurs qu’on n’avait jamais vues et qui nous tentaient sur le sachet de leurs graines. Elles sont bien venues, on ne peut pas dire qu’elles n’aient pas germé ni même fleuri mais c’était d’un triste, d’un minable. Toutes des petites fleurs je ne dirais pas ratatinées mais sans allure, trop basses, trop clairsemées. Pas du tout leur photo du sachet. Il nous avait eus le sachet. Et en plus la poussière ne les épargnait pas. On les arrosait bien, ça les lavait, elles nous faisaient pitié, mais on n’a pas continué, pour le résultat. Des balsamines, je me souviens. Rien que le nom faisait envie. Eh bien c’est affreux. A moins peut-être qu’on en mette une grande quantité, bien serrées, bien fumées, qu’elles grossissent, qu’elles s’étalent, je ne sais pas. Donc rien dans la plate-bande.»
Robert Pinget, Quelqu’un,
Les Éditions de Minuit, 1965, p.24
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Manuel de Falla (1876-1946). Noches en los jardines de España - I. En el Generalife. Martha Argerich, piano Orchestra della Svizzera Italiana, Alexander Vedernikov, Live Lugano 2009.
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Liens :
¤ Michelle Grangaud : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michelle_Grangaud
feuilleter son livre en ligne présenté par son éditeur : http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=2-86744-834-4
¤ Robert Pinget : https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Pinget
R. P. présente son livre Quelqu'un . Interview (enfumée) par Pierre Dumayet : http://www.ina.fr/video/I00013007
¤ Manuel de Falla : https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuel_de_Falla
à propos de Nuits dans les jardins d'Espagne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nuits_dans_les_jardins_d'Espagne
[1] Michelle
Grangaud, Calendrier des poètes, Année
folle 1. P.O.L, 2001, p. 32
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