dimanche 23 août 2015

LE ( problématique ) BAISER DU SOIR - DER HASSTE GUTENACHTKUSS




   « Ma seule consolation, quand je montais me coucher, était que maman viendrait m'embrasser quand je serais dans mon lit. Mais ce bonsoir durait si peu de temps, elle redescendait si vite, que le moment où je l'entendais monter, puis où passait dans le couloir à double porte le bruit léger de sa robe de jardin en mousseline bleue, à laquelle pendaient de petits cordons de paille tressée, était pour moi un moment douloureux. Il annonçait celui qui allait le suivre, où elle m'aurait quitté, où elle serait redescendue. De sorte que ce bonsoir que j'aimais tant, j'en arrivais à souhaiter qu'il vînt le plus tard possible, à ce que se prolongeât le temps de répit où maman n'était pas encore venue. Quelquefois quand, après m'avoir embrassé, elle ouvrait la porte pour partir, je voulais la rappeler, lui dire « embrasse-moi une fois encore », mais je savais qu'aussitôt elle aurait son visage fâché, car la concession qu'elle faisait à ma tristesse et à mon agitation en montant m'embrasser, en m'apportant ce baiser de paix, agaçait mon père qui trouvait ces rites absurdes, et elle eût voulu tâcher de m'en faire perdre le besoin, l'habitude, bien loin de me laisser prendre celle de lui demander, quand elle était déjà sur le pas de la porte, un baiser de plus. Or la voir fâchée détruisait tout le calme qu'elle m'avait apporté un instant avant, quand elle avait penché vers mon lit sa figure aimante, et me l'avait tendue comme une hostie pour une communion de paix où mes lèvres puiseraient sa présence réelle et le pouvoir de m'endormir. Mais ces soirs-là, où maman en somme restait si peu de temps dans ma chambre, étaient doux encore en comparaison de ceux où il y avait du monde à dîner et où, à cause de cela, elle ne montait pas me dire bonsoir. »
   Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, Combray, Gallimard Folio classique p.61-62





    LE BAISER DU SOIR
 

   « Dès que nous avions eu quatre ou cinq ans, je crois, avais-je dit à Gambetti, notre mère nous avait bannis de sa chambre, naturellement d’abord dans des chambres communes, mais tout de même bannis, elle apparaissait tous les soirs, après que nous nous étions lavés, pour nous donner le baiser du soir. Johannes  avait toujours réclamé avec insistance ce baiser du soir, moi je refusais intérieurement le baiser du soir, je le détestais, même si je n’y ai jamais échappé. Aujourd’hui encore, ma mère me poursuit en rêve avec le baiser du soir, avais-je dit à Gambetti, elle se penche sur moi et je suis livré sans défense à ce baiser du soir, elle appuie fortement ses lèvres sur ma joue, comme si elle voulait me punir. Lorsqu’elle nous avait donné à tous deux le baiser du soir, elle éteignait la  lumière, sans sortir tout de suite de la chambre, elle restait un moment à la porte et attendait, jusqu’à ce que nous nous fussions tournés sur le côté et endormis. Comme j’ai une ouïe exceptionnellement fine depuis mon enfance, je savais qu’elle restait à l’écoute derrière la porte fermée, avant de descendre au premier étage où dormaient mes parents. Elle se méfiait aussi de nous, les enfants, je ne sais pour quelle raison, avais-je dit à Gambetti, la méfiance de notre mère était des plus grandes, elle souffrait d’une méfiance inapaisable, contraignante, complètement perverse dois-je dire aujourd’hui. »
   Thomas Bernhard, Extinction, Un effondrement, trad. Gilberte Lambrichs, Gallimard  L’Imaginaire, p.142-143



   DER GUTENACHTKUSS 

  
   “Ich glaube, schon als wir vier oder fünf Jahre alt gewesen waren, hatte ich zu Gambetti gesagt, hatte unsere Mutter aus ihrem Zimmer verbannt, zuerst natürlich in gemeinsame  Zimmer, aber doch verbannt, sie erschien jeden Abend, nachdem wir uns gewaschen hatten, um uns den Gutenachtkuß zu geben. Johannes hatte immer nach ihrem Gutenachtkuß verlangt, ich hatte den Gutenachtkuß innerlich abgelehnt, ich haßte ihn, wenngleich ich ihm auch niemals entkommen bin. Noch heute verfolgt mich meine Mutter im Traum mit dem Gutenachtkuß, hatte ich zu Gambetti gesagt, sie beugt  sich auf mich und ich bin diesem Gutenachtkuß wehrlos ausgeliefert, sie drückt ihre Lippen auf meine Wange, fest, wie wenn sie mich bestrafen wollte. Hatte sie uns beide den Gutenachtkuß gegeben, löschte sie das Licht, ohne gleich aus unserem Zimmer hinauszugehen, sie blieb eine Weile an der Tür stehen und wartete, bis wir uns zur Seite gedreht hatten und eingeschlafen waren. Da ich schon als Kind ein außerordentlich geschärftes Gehör gehabt habe, wußte ich, daß sie horchend hinter der verschlossenen Tür stand, bevor sie in den ersten Stock hinunter ging, wo meine Eltern schliefen. Auch uns Kindern hatte sie mißtraut, ich weiß nicht, aus was für einen Grund, hatte ich zu Gambetti gesagt, das Mißtrauen unserer Mutter ist das allergrößte gewesen, sie litt an einem unstillbaren, unheilbaren, zwanghaften, heute muß ich sagen durch und durch perversen“   
   Thomas Bernhard, Auslöschung. Ein Zerfall, Suhrkamp Taschenbuch Verlag, S. 177-178.

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