lundi 24 août 2015

Sombra de Luis CERNUDA



SOMBRA DE MI

Bien sé yo que esta imagen
Fija siempre en la mente
No eres tú, sino sombra
Del amor que en mí existe
Antes que el tiempo acabe.

Mi amor así visible me pareces,
Por mí dotado de esa gracia misma
Que me hace sufrir, llorar, desesperarme
De todo a veces, mientras otras
Me levanta hasta el cielo en nuestra vida,
Sintiendo las dulzuras que se guardan
Sólo a los elegidos tras el mundo.

Y aunque conozco eso, luego pienso
Que sin ti, sin el raro
Pretexto que me diste,
Mi amor, que afuera está con su ternura,
Allá dentro de mí hoy seguiría
Dormido todavía y a la espera
De alguien que, a su llamada,
Le hiciera al fin latir gozosamente.

Entonces te doy gracias y te digo :
Para esto vine al mundo, y a esperarte ;
Para vivir por ti, como tú vives
Por mí, aunque no lo sepas,
Por este amor tan hondo que te tengo
.

 
OMBRE DE MOI

Je sais bien, moi, que cette image
Toujours scellée dans mon esprit
Ce n’est pas toi, ce n’est que l’ombre
De l’amour qui demeure en moi
Avant que le temps ne s’achève.

Tu me sembles ainsi mon amour devenu visible,
Par moi doté de cette grâce même
Qui me fait tant souffrir, pleurer, désespérer
De tout, parfois, et d’autres fois
M’élève jusqu’au ciel dès cette vie,
Éprouvant les douceurs qui ne sont réservées
Qu’aux seuls élus, de par le monde.

Sachant cela, pourtant je pense
Que sans toi, sans la rare
Occasion que tu me donnas,
Mon amour, éclos avec sa tendresse,
Serait encore à l’intérieur de moi,
Endormi, dans l’attente
De quelqu’un qui, à son appel,
Le ferait enfin palpiter de joie.
 
Alors je te rends grâces et je te dis :
Je vins au monde pour cela, et pour t’attendre;
Pour vivre par toi, comme tu vis
Par moi, sans le savoir,
Par cet amour si profond que je te porte. 

Luis Cernuda (Séville 1902 - Mexico 1963), Poemas para un cuerpo (Poèmes pour un corps), 1957. Trad. Bruno Roy. in Anthologie bilingue de la poésie espagnole, La Pléiade, p.804-805.

 Références  :
   ¤ Luis Cernuda sur Wikipédia :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Luis_Cernuda






2 commentaires:

  1. Un beau texte qui fait écho à celui de Desnos "J'ai tant rêvé de toi" publié précédemment. Début d'une anthologie sur l'ombre et l'amour... Tout un programme auquel je m'abonne d'ores et déjà.

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  2. La Sombra del viento, escribe Carlos Luis Zafon... Seria tal la sombra que fijaria nuestros sue^nos, mas que nuestras visiones

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