lundi 9 février 2015

Au rayon des rayures



  


   « Paris est rayé : les hautes cheminées minces qui se développent à partir de cheminées plates, toutes les petites cheminées qui ont la forme d’un pot de fleur, les vieux candélabres à gaz excessivement muets, les raies transversales des jalousies auxquelles, sur le mur des maisons de banlieue, s’ajoutent des stries formées par la crasse, les barres minces des toits comme ceux que nous vîmes rue de Rivoli, le toit de verre strié du Grand Palais des Arts, les fenêtres des locaux commerciaux partagées par des traits, les grilles des balcons, la tour Eiffel qui se compose de raies, les porte-fenêtres qui, pourvues de montants sur le côté et au milieu, évoquent plus que chez nous l’image de traits, les petites chaises que l’on voit en plein air et les petites tables de café dont les jambes sont des traits, les jardins publics avec leurs grilles aux pointes dorées.»

   Franz Kafka, Journal, Notes de voyage, septembre 1911, trad. de Marthe Robert, éd. Grasset, 1954 p.598.





       Le zèbre


Le zèbre, cheval des ténèbres,
Lève le pied, ferme les yeux
Et fait résonner ses vertèbres
En hennissant d’un air joyeux.

Au clair soleil de Barbarie,
Il sort alors de l’écurie
Et va brouter dans la prairie
Les herbes de sorcellerie.

Mais la prison sur son pelage,
A laissé l’ombre du grillage.

Robert Desnos *

                   

                                                                                

« Le zèbre est peut-être , de tous les animaux quadrupèdes, le mieux fait et le plus élégamment vêtu ; il a la figure et les grâces du cheval, la légèreté du cerf, et la robe rayée de rubans noirs et blancs, disposés alternativement avec tant de régularité et de symétrie, qu’il semble que la nature ait employé la règle et le compas pour la peindre : ces bandes alternatives de noir et de blanc sont d’autant plus singulières, qu’elles sont étroites, parallèles, et très exactement séparées, comme dans une étoffe rayée […] »

   "Morceaux choisis de Buffon, ou recueil de ce que ses écrits ont de plus parfait sous le rapport du style et de l’éloquence. Ouvrage adopté pour l’enseignement dans les Collèges. A Paris, chez Jules Renouard et Cie, libraires, 1850", p.180

 


  • L'étoffe du Diable









" Pourquoi un pyjama
  À rayures, à fleurs ou à pois
  Pourquoi un pyjama

  ... "
Auteur et compositeur : Serge Gainsbourg
                              Interprète : Régine. 1966. Animation : Jean-Christophe Averty



A gauche, partie de l’œuvre de Philippe Decrauzat, Lausanne 1974.Sans titre 2006.Acrylique sur toile.Coll. particulière.

« Le passage clouté qui de nos jours n’est plus clouté mais formé d’une alternance de bandes blanches et noires semblables au pelage d’un zèbre (au point que les Allemands ont fini par appeler familièrement leurs passages cloutés Zebrastreifen), représente une autre forme de ces rayures routières qui ont à voir avec le danger, la barrière, l’interdiction et la permission. C’est là qu’il faut traverser, mais pas n’importe quand et n’importe comment. Les rayures au sol indiquent à la fois le passage et la difficulté du passage. Faisant alterner des zones vides et des zones pleines, elles nécessitent obéissance et précaution, comme s’il y avait danger de tomber dans l’espace séparant deux bandes blanches. »

Michel Pastoureau, L'Etoffe du Diable, éd. citée p.136





  • Tissu pour étoffe du Diable




tissu à rayures dit bayadère

  • La Bayadère : ballet au nom du tissu pour  . . .              musique de Léon Minkus, chorégraphie de Yuri Grigorovich d'après Marius Petipa.   Dans le rôle de Nikiya, Marie-Claude Pietragalla.

     

     


     

  • Parallèlement 






 * Hommage à Robert Desnos : le 8 mai 1945, il y aura donc bientôt  70 ans cette année, lors de l'entrée de l'Armée rouge au camp de concentration de Theresienstadt (Terezin, aujourd'hui en République tchèque), le poète, reconnu par un étudiant tchèque, est retrouvé dans l'habit rayé des déportés. Il mourra quelques semaines plus tard, le 8 juin, à l'âge de 44 ans.

* * *

Légendes:
 - pose surprise parmi les « colonnes de Buren », œuvre de Daniel Buren, cour d'honneur du Palais-Royal à Paris.
   Au fond, le "Théâtre éphémère" édifié durant la rénovation de la salle Richelieu de la Comédie Française de janvier 2012 à  mars 2013.
 - Robert Desnos, Chantefables, Œuvres, Quarto Gallimard p.1335  
  - Serge Gainsbourg par JEF AEROSOL, alias J-François Perroy, Nantes (1957), signé de la flèche rouge. Façade de l'Européen, 5 rue Biot, Paris 17e, nov. 2011.
Michel Pastoureau, L'Etoffe du Diable, Ed. du Seuil, coll. Points P1121. Couverture et 4ième de couverture. 
 - dernière photo : Nuit blanche, Paris 2008

Définition :
 - bayadère (Larousse)
   (portugais bailhadeira, de balhar, forme dialectale de bailar, danser)
    1.  Danseuse hindoue sacrée.
    2.  Tissu de toute matière présentant des effets de larges rayures multicolores dans le sens de la chaîne. 
 - Domaine artistique : La Bayadère (russe : Баядерка - Bayaderka) est un ballet en trois actes et sept tableaux chorégraphié par Marius Petipa sur une musique de Léon Minkus   

Liens :  
 - Robert Desnos : http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Desnos
 - Pourquoi un pyjama?, chanson de S. Gainsbourg interprété&e par Régine : https://www.youtube.com/watch?v=D1ZUUs8BeJM
 - Jean-Christophe Averty : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Christophe_Averty
 - ballet La Bayadèrehttp://fr.wikipedia.org/wiki/La_Bayad%C3%A8re

 - Marie-Claude Pietragalla : http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Claude_Pietragalla
 














2 commentaires:

  1. Bel article qui donne envie de traverser en dehors des clous, qui donne envie d'écarter les barreaux pour déboucher dans la jungle urbaine. Là, des êtres caméléons naissent et font effraction parmi les œuvres. Bel article qui chamboule les frontières du regard.

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  2. je n'aurais jamais imaginé cette variété de texte et d'image autour du thème des rayures ! Etonnant, et séduisant...

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