donnait sur un jardin du lycée Saint-Louis. Il y avait
des arbres énormes sous ma fenêtre étroite."
A. Rimbaud *
LA DEUXIÈME CHAMBRE
L'érable qui frémit devant notre fenêtreEst comme une autre chambre où nous ne pénétronsQu’au moment de dormir et dans les environsDu rêve, quand il est malaisé de connaîtreCe qui distingue l’âme et le corps, et la nuit.Alors nous devenons peu à peu ce feuillageQui chuchote sans cesse et peut-être voyageAvec notre sommeil qu’il héberge et conduitDans la profondeur même où les racines plongent,Où vague sous le vent le sommet des rameaux.Nous dormons, l’arbre veille, il écoute les motsQue murmure en dormant l’arbre confus des songes.Jacques Réda, Retour au calme, poèmes. Nrf Gallimard 1989, p.138
Toute la journée, dans cette demeure de
Tansonville un peu trop campagne qui n'avait l'air que d'un lieu de sieste
entre deux promenades ou pendant l'averse, une de ces demeures où chaque salon
a l'air d'un cabinet de verdure, et où sur la tenture des chambres les roses du
jardin dans l'une, les oiseaux des arbres dans l'autre, vous ont rejoints et
vous tiennent compagnie - isolés du moins - car c'étaient de vieilles tentures
où chaque rose était assez séparée pour qu'on eût pu si elle avait été vivante
la cueillir, chaque oiseau le mettre en cage et l'apprivoiser, sans rien de ces
grandes décorations des chambres d'aujourd'hui où sur un fond d'argent, tous
les pommiers de Normandie sont venus se profiler en style japonais pour
halluciner les heures que vous passez au lit ; toute la journée, je la
passais dans ma chambre qui donnait sur les belles verdures du parc et les
lilas de l'entrée, les feuilles vertes des grands arbres au bord de l'eau,
étincelants de soleil, et la forêt de Méséglise. Je ne regardais en somme tout
cela avec plaisir que parce que je me disais : « C'est joli d'avoir
tant de verdure dans la fenêtre de ma chambre », jusqu'au moment où dans
le vaste tableau verdoyant je reconnus, peint lui au contraire en bleu sombre,
simplement parce qu'il était plus loin, le clocher de l'église de Combray. Non
pas une figuration de ce clocher, ce clocher lui-même, qui, mettant ainsi sous
mes yeux la distance des lieues et des années, était venu, au milieu de la
lumineuse verdure et d'un tout autre ton, si sombre qu'il paraissait presque
seulement dessiné, s'inscrire dans le carreau de ma fenêtre.
Marcel Proust, Le Temps
retrouvé, Gallimard, Folio classique p.3 et 4
Notes :
* Arthur Rimbaud, Lettre à Ernest Delahaye de juin 1972, signée "A. R. Rue Victor-Cousin, Hôtel de Cluny", in "Poésies complètes", Livre de Poche n°9635, p.245
Liens :
¤ à propos de l'érable : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89rable
¤ la commune "proustienne" d'Illiers -Combray : https://fr.wikipedia.org/wiki/Illiers-Combray
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Notes :
* Arthur Rimbaud, Lettre à Ernest Delahaye de juin 1972, signée "A. R. Rue Victor-Cousin, Hôtel de Cluny", in "Poésies complètes", Livre de Poche n°9635, p.245
¤ à propos de l'érable : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89rable
¤ la commune "proustienne" d'Illiers -Combray : https://fr.wikipedia.org/wiki/Illiers-Combray
L'arbre construit mon bien - ce rien sans quoi
RépondreSupprimermon être vole - le rassemblant comme branches et
oiseaux, dressant en son ombre mon ombre.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerMagnifique photo qui transforme les barreaux en branchages. Je me réveille dans la deuxième chambre et je deviens ce feuillage.
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