Femme sous un figuier, lisant,pour H.
Odeur, jardin plus étendu que cette ombre defiguier frappée de jours clairs, fraîche à la terrerouge, aux gramens secs, aux lacets de fourmisnoires sur le pied – fraîche à la terre, chaude à lapeau cuivrée d’une femme brune sur une chaisede toile, longeant l’après-midi d’une ligne gracile :odeur, odeur d’un lait amer pressé d’un sein violetsous les doigts impatients (les doigts restant sucrés)feuilles hissées dans tous les sens par des branchestortues aux coudes gris, écorce marquée en long parles griffes d’un chat (chassé peut-être par une pieou des ramiers furieux) cœurs ou mains ces feuillesrêches froissées mollement et qu’un vent d’aventureferait cliquer comme des cartes sur la table, auxtransparences de visage – ou arbre ou pachydermeoù l’on prendrait refuge, quittant murailles, ces joursd’Août, dans la déclinaison de l’astre qui chauffe commeun four nos quartiers poussiéreux d’été – un livre clairde Trakl d’une main demeuré vivement ouvert.Jean-Marie Perret, Grande liberté de l'air au-dessus du fleuve, coll. Le legs prosodique, Obsidiane, 2002, p.22
L’Automne du solitaire
L’Automne sombre s’installe plein de fruits et d’abondanceÉclat jauni des beaux jours de l’été.Un bleu pur sort d’une enveloppe flétrie;Le vol des oiseaux résonne de vieilles légendes.Le vin est pressé, la douce quiétudeEmplie par la réponse tenue à de sombres questions.Et, ici et là, une croix sur la colline désolée;Un troupeau se perd dans la forêt rousse.Le nuage émigre au-dessus du miroir de l’étang;Le geste posé du paysan se repose.Très doucement l’aile bleue du soir toucheUn toit de paille sèche, la terre noire.Bientôt des étoiles nichent dans les sourcils de l’homme las;Dans les chambres glacées s’installe un décret silencieuxEt des anges sortent sans bruit des yeux bleusDes amants, dont la souffrance se fait plus douce.Le roseau murmure; assaut d’une peur osseuseQuand la rosée goutte, noire, des saules dépouillés.Georg Trakl, Crépuscule et déclin suivi de Sébastien en rêve, trad. M. Petit et J.-C. Schneider, Poésie Gallimard, p.143-144
Der Herbst des EinsamenDer dunkle Herbst kehrt ein voll Frucht und Fülle,
Vergilbter Glanz von schönen Sommertagen.
Ein reines Blau tritt aus verfallener Hülle;
Der Flug der Vögel tönt von alten Sagen.
Gekeltert ist der Wein, die milde Stille
Erfüllt von leiser Antwort dunkler Fragen.Und hier und dort ein Kreuz auf ödem Hügel;Im roten Wald verliert sich eine Herde.Die Wolke wandert übern Weiherspiegel;Es ruht des Landmanns ruhige Geberde.Sehr leise rührt des Abends blauer FlügelEin Dach von dürrem Stroh, die schwarze Erde.Bald nisten Sterne in des Müden Brauen;In kühle Stuben kehrt ein still BescheidenUnd Engel treten leise aus den blauenAugen der Liebenden, die sanfter leiden.Es rauscht das Rohr; anfällt ein knöchern Grauen,Wenn schwarz der Tau tropft von den kahlen Weiden.
Liens :
¤ Jean-Marie Perret, poète, chroniqueur, essayiste et peintre; voir en ligne ses publications et différentes contributions.
On peut lire en ligne de larges extraits de L’Échappée végétale et son ombre, contribution au catalogue Titus-Carmel écarts / tracés, Bernard Chauveau éditeur, 2013 : http://www.matmutpourlesarts.fr/expositions/presse/titus-carmel-ecarts-i-traces.pdf
¤ Georg Trakl en français : https://fr.wikipedia.org/wiki/Georg_Trakl
¤ Deutsch Artikel : https://de.wikipedia.org/wiki/Georg_Trakl
und einige Gedichte von Georg Trakl : http://gedichte.xbib.de/gedicht_Trakl.htm
Superbe poème intitulé "Femme sous un figuier, lisant". Poème cascade où le glissando des mots éclaire le jour d'images étroitement entrelacées aux couches terrestres.
RépondreSupprimerJ'aime cet article qui est comme un livre "demeuré vivement ouvert" et qui déploie des couleurs sorties "de l'enveloppe flétrie" du ciel.
Les photos, vibrantes, sont comme des chambres d'écho qui recueillent la sève des musiques écloses aux saisons de nos cœurs.
Belle composition!
Ah oui ! Assemblage émouvant. Le monde touche. La présence de l'autre bouleverse.
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