jeudi 11 septembre 2025

 

                                  

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
 

Charles Baudelaire. 

lundi 18 novembre 2019

Le rideau déchiré



                        


                                   RIDEAU



Par une déchirure du rideau en papier,
il vit un théâtre profond, obscur et vide. Alors
il entra, revêtu de son costume, sur la scène illuminée
et tira le rideau lui-même. C’était là
en tout et pour tout son rôle. De la galerie
tomba le marteau de l’électricien. Et soudain
les poulies remontèrent la forêt en papier,
le palais en papier et les deux réverbères.
Seule la fausse lune, énorme, resta en place.
                                                               Samos, 26.IX.71

                  Yannis Ritsos, Le mur dans le miroir et autres poèmes, trad. D. Grandmont, Poésie/Gallimard, p.89


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